Thurston: L’ultime rendez-vous

raconté par Lorraine Cordeau


Vendredi, 22 juin 2007, 14h – Le cortège s’avance gracieusement devant la Cathédrale de Saint-Jérôme. Les fleurs offertes par le couple Angélil, Dominique Michel, Patsy Gallant, Claude et Crystal Dubois, Nanette, Michel, Stephend et Roman Pagliaro, Pierre Lalonde, Michèle Richard, Yohann et Mitsou, Tony Roman avec la mention ‘Je t’attends’, Vito Luprano de Sony/BMG, Le Club de Hockey de Radio-Canada (Georges l’a représenté pendant 14 ans) et le personnel de La Maison du Jazz, d’Hydro-Québec, Cossette Communications, entre autres, illuminent le temps grisâtre. ‘Salut Georges!’, lit-on sur une bannière géante. Soudain jaillit une salve d’applaudissements. Plus de 4 000 fidèles sont venus saluer, une dernière fois, celui qui les a sérénadés pendant 30 ans. Parmi eux se détachent des visages connus, sur lesquels déferlent des océans de larmes : Nancy Martinez, François Guy et Isabelle Lajeunesse, Martin Stevens, Pierre et Sylvie Perpall, le frêle Jérémy Gabriel, Marguerite Blais, Liette Lomez et Toulouse, le batteur Jimmy Ayoub, Richard Martineau, Michel Deloir, André Lejeune, Georges Durst (Cage aux Sports), David Boisvert (‘Boisvert chante Dassin’) et tant d’autres. Ceux qui n’ont pu prendre place dans l’église archi-bondée pourront suivre la cérémonie grâce aux haut-parleurs installés sur le parvis. Ils y resteront, émus, jusqu’après le départ de Georges vers le Cimetière de Saint-Jérôme. Une armée de photographes et caméramen capte le tout silencieusement, avec respect.

Assisté de Monseigneur André Daoust, curé de la paroisse, le Père Fernand Patry accueille l’ami Georges avec une prière bien personnelle. Cette intimité s’explique du fait que Père Patry était un journaliste culturel avant d’épouser le sacerdoce; il avait donc côtoyé Thurston à maintes reprises dans les années’70. À ses côtés se tient Nathaniel, un mignon enfant de choeur, de race noire, lequel rappelle le jeune Thurston qui aimait tant servir la messe pour Monseigneur Frenette, dans ce même lieu sacré.

Encore plus frappant, l’autre enfant de choeur est une grande fillette à la tignasse blonde. ‘Le couple Thurston en miniature’, s’exclame ma soeur Katou. Le cercueil est escorté jusqu’à l’avant par Chantale et ses cousins, ainsi qu’Angelo Finaldi, génial musicien.

Après un premier chant interprété par le magnanime Perry Canestrari surgit Claude Dubois pour lire ‘Le Prophète’ de Khalil Gibran (pièce jointe). L’émotion l’étreint au point tel qu’une veine nasale éclate. Sitôt la lecture du texte terminée, il accourt à l’hôpital pour freiner l’hémorragie. Peu étonnant... Georges le considérait comme un frère de sang.

Puis, flashback sur une tardive messe de Noël pendant laquelle le petit Georges s’était endormi, appuyé sur son cierge; l’angélique Nathaniel roupille, à son tour.

Réfléchies, sages et réalistes, les paroles du Père Patry apaisent et réconfortent. Suit un autre texte approprié où il parle de Dieu au féminin. Clin d’oeil à Lucienne, maman adoptive de Georges qu’il aimait à l’extrême et pour laquelle il a sacrifié une carrière américaine. Elle nous a quittés en 2005.

La Cathédrale vibre sur l’intro de l’Ave Maria. Surprise! Le chantre n’est pas Perry, mais Charles Prévost Linton (ex-Sinners), un ami de toujours. Quel cadeau. Georges doit jubiler.

Après la communion accompagnée du magnanime ‘Panis Angelicus’, place à ma grande amie Marlene Yelle qui a accepté de livrer mon témoignage. Conçu à l’aube de ce grand départ, il évoque la grandeur inestimable de cet homme altruiste qui s’est dévoué sans relâche pour les autres. Et l’amour impérissable que nous lui portons.

Puis, nous envahissent avec une résonnance céleste, les premiers accords de ‘Final Destination’, pièce que Georges à composée à l’intention de son fils Maxime le soir même où il apprit qu’il avait cet impitoyable cancer. Sa voix est si douce et transperçante, à la fois. Pour la première fois, on y détecte de la tristesse, lui qui l’a toujours si bien camouflée. Les sanglots éclatent. Impossibles à retenir. ‘I wish you’ll all be OK’, chante-t-il, en anticipant déjà l’avenir.

La cérémonie tire à sa fin. Déjà? On voudrait qu’elle ne s’arrête jamais. À la recommandation de mon mari, la seule qu’il n’ait jamais faite, le lecteur CD entame la chanson ‘It’s possible’ de Melvin Sanders, compositeur/chanteur gospel du Texas, au registre vocal exceptionnel. Un de nos projets était d’aller endisquer une piste avec cet artiste grandiose, ministre d’une congrégation, envers qui Georges avait la plus grande admiration. Ses paroles collent tant à sa personnalité et à son vécu. Son ‘soul’ nous envahit.

Alors que nous suivons le cercueil vers la sortie, mon père de 93 ans se penche vers Nathaniel et lui demande : ‘Est-ce que tu veux faire comme Boule Noire?’ Et le petit de répondre spontanément, les yeux pétillants : ‘Oui, j’ai déjà une guitare!’.

L’envolée de 55 colombes immaculées nous rappelle que Georges Thurston repose maintenant dans la plénitude des cieux.

La vie continue.

Adieu, Chéri.

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